Consignes, pressions, menaces : comment on gonfle les notes du bac

Pour éviter la subjectivité, la notation est « harmonisée ». Derrière ce mot, des enseignants dénoncent une incitation à surévaluer les copies. Enquête.

Par Émilie Trevert

Depuis 2014, le taux de réussite au baccalauréat est remarquablement stable, autour de 88 %. Tout est fait pour lisser les moyennes des correcteurs autour de... la moyenne.

Depuis 2014, le taux de réussite au baccalauréat est remarquablement stable, autour de 88 %. Tout est fait pour lisser les moyennes des correcteurs autour de... la moyenne.

© Nicolas TAVERNIER/REA

Lecture audio réservée aux abonnés

Pour atteindre un taux de réussite quasi constant au baccalauréat (environ 88 % depuis 2014), certains inspecteurs, assistés d'enseignants zélés, rivalisent d'imagination. Petits arrangements, bidouillages, argumentaires abscons… tout est bon pour faire grimper les notes. Des profs correcteurs, lassés de ces consignes – passées essentiellement à l'oral – qu'ils jugent injustes, ont osé dire non à leur hiérarchie. Pour Le Point.fr, ils dévoilent les coulisses de la fabrique des notes. Un secret bien gardé.

Le point du soir

Tous les soirs à partir de 18h

Recevez l’information analysée et décryptée par la rédaction du Point.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

La scène se passe dans un lycée du sud de la France. En ce début juillet, les professeurs de français peuvent enfin souffler, ils sont venus à bout de la soixantaine de copies rédigées par des élèves de première lors de l'épreuve anticipée du bac. Reste la commission d'harmonisation, une réunion où ils doivent s'entendre sur leur notation.

Ce jour-là, l'inspectrice pédagogique régionale (IPR) a fait le déplacement en personne. C'est exceptionnel ; d'habitude, un professeur est missionné par le rectorat pour encadrer ses collègues. Dans la salle, on n'entend pas une mouche voler. La dizaine de correcteurs écoutent religieusement l'IPR, une femme d'une soixantaine d'années aux cheveux courts et aux traits tirés. D'un ton autoritaire, elle annonce d'emblée la couleur : « Si la moyenne de votre paquet de copies est d'un point en dessous de la moyenne académique, vous relevez tout votre paquet d'un point ! » Simple, clair, net.

« Puni par l'inspectrice »

Personne ne pipe mot, il s'agit d'un ordre. Pierre*, enseignant depuis une vingtaine d'années, bougonne dans son coin. Son paquet de copies est juste en dessous de la moyenne et, bien sûr, en dessous de la moyenne académique. L'inspectrice s'approche de lui.

- « Puisque vous êtes un point en dessous, vous rajoutez un point à toutes les copies ! lui intime-t-elle, sûre de sa logique.

- Désolé, je ne le ferai pas, rétorque Pierre, dans l'indifférence générale.

- Mais… mais vous ne pouvez pas ne pas le faire ! » s'étrangle l'IPR.

La voilà qui sort de sa poche un papier. Une circulaire du ministère de l'Éducation nationale. L'enseignant lit la page et demie avec attention, cherchant en vain la phrase qui l'obligerait à remonter ses notes. Il n'y a rien de tel et il le signifie à l'inspectrice qui, prise au dépourvu face à tant d'audace, argue du fait que l'obligation se dégage « de l'ensemble du texte ». Vexée et rouge de colère, elle devient menaçante.

- « C'est une faute professionnelle ! »

Pierre, sûr de son bon droit et de la justesse de ses corrections, ne se laisse pas impressionner.

- « Je l'assume pleinement et je suis prêt à accepter toutes les sanctions.

- Vous serez convoqué au rectorat ! » tranche l'IPR.

Pierre n'a pas été convoqué au rectorat, mais cette année, pour la première fois de sa carrière, ce professeur agrégé ne corrigera pas les épreuves anticipées de français. « Voilà, après 17 ans de correction au bac, j'ai été puni par l'inspectrice… » conclut-il. Un de ses collègues qui osa également dire non – ils ne sont pas nombreux – a été « puni » d'une autre manière : il a été envoyé, pour faire passer les oraux, dans un lycée à 150 kilomètres de chez lui !

« L'harmonisation, pour moi, c'est une imposture, juge Pierre. Si les correcteurs étaient invités également à baisser leurs notes, pourquoi pas, mais c'est toujours à la hausse. Sous le couvert d'équité, ce n'est qu'une manœuvre insidieuse pour gonfler le plus possible les notes du bac ! »

Dissiper tous les soupçons de « petits arrangements »

Cette année encore, les 174 331 correcteurs et examinateurs devraient entendre à peu près les mêmes consignes. Le tout de manière informelle, et à l'oral de préférence. Le secret de fabrication des notes du bac est bien gardé. Il entretient un « soupçon latent affaiblissant ainsi la confiance que la société porte au baccalauréat », notait déjà, en 2008, le sénateur Jacques Legendre dans  son rapport « À quoi sert le baccalauréat ? ». Pointant « l'absence de transparence qui entoure le processus d'harmonisation » – un processus jugé toutefois nécessaire puisque la notation est un exercice en partie subjectif –, l'élu UMP préconisait de « rendre publiques » les consignes de correction afin de « dissiper tous les soupçons de petits arrangements ». Depuis dix ans, rien ne semble avoir changé…

Concrètement, il s'agit de ne pas être en dessous de la moyenne académique de l'année précédente, surtout pas en dessous de la moyenne nationale (en 2017, le taux de réussite au bac, toutes voies confondues, était de 87,9 % et de 90,6 % pour la voie générale). Quatre millions de copies seront corrigées ce mois-ci par des professeurs consciencieux en un temps record. Mais la note finale sera-t-elle celle qu'ils ont écrite au crayon de bois le soir à la veillée ou sera-t-elle « gonflée » par leurs soins en commission d'harmonisation ou, bien plus tard, à leur insu ?

Virginie Subias Konofal, agrégée de lettres classiques et auteur de Histoire incorrecte de l'école*, est persuadée que l'inspection ne se gêne pas pour passer derrière les correcteurs. Et elle a de fortes raisons de le croire. Un jour, alors qu'elle était en train de corriger des copies du bac de français, dont certaines étaient « vraiment indigentes », elle reçoit un coup de fil de son chef de jury. « Il faut que votre moyenne remonte de 3 points, lui ordonne l'enseignant missionné par le rectorat. Soit vous remontez tout votre paquet de 3 points soit vous piochez au hasard certaines copies que vous remontez de 6 points. » Virginie Subias Konofal refuse d'obtempérer. Réponse du chef de jury : « Si vous ne le faites pas, je le ferai ! »

Nous sommes dans une dynamique de progression où le maître mot est bienveillance.

« Ça m'a complètement découragée pour le reste de mes corrections… confie-t-elle. Nous sommes dans une dynamique de progression où le maître mot est bienveillance. À l'écrit, on ne descend pas en dessous de 6 si ce n'est pas une copie blanche. » D'ailleurs, tout est fait pour en dissuader les profs récalcitrants : « Si vous tenez absolument à mettre en dessous de 6, vous devez faire un rapport et demander un entretien à votre chef de jury. C'est une espèce de négation de la compétence de l'enseignant… » soupire-t-elle.

« Le niveau baisse et on nous demande sans arrêt de tirer les élèves les plus faibles vers le haut aux dépens des plus forts, témoigne Jean*, professeur en série technologique dans l'académie de Caen. Si je mets un 5/20 à une copie nulle et un 19 à une très bonne, on me dit : Ce n'est pas possible, il n'y a pas tant de différence que ça entre les élèves ! On doit donc les noter entre 8 et 14, et non pas de 0 à 20. Je ne parle même pas des académies comme la Polynésie, Mayotte ou la Guyane, où le taux de réussite est fixé à l'avance, et après, seulement, on harmonise ! » Jean a été vice-président de jury en Polynésie avant de se faire « éjecter » : « J'ai refusé de bidouiller. »

Dans l'Hexagone, les pratiques ne sont pas toujours plus recommandables. « Dans certaines académies, on ne demande pas aux profs de remonter les notes, c'est l'inspection qui s'en charge ! » rapportait un IPR de l'académie d'Aix-Marseille, l'an dernier. La plupart du temps, ce sont les inspecteurs eux-mêmes qui se chargent de convaincre les profs jugés trop sévères. « Oui, les inspecteurs territoriaux peuvent donner des consignes pour remonter les notes, confirme un haut fonctionnaire de l'Éducation nationale. Des copies peuvent être aussi notées sur 21... »

Regardez, ce n'est pas si négatif, il y a au moins un nom d'auteur !

Dans l'académie de Nancy-Metz, on ne remonte pas les notes par la force, mais on exhorte les correcteurs à être dans les clous. « On exige de nous 10 de moyenne avec un argument complètement rhétorique, raconte Antoine*, professeur de philo. Puisque 10, c'est la moyenne et qu'il y a plus d'élèves moyens que de très bons ou de très mauvais élèves, il est plus logique qu'un paquet moyen ait la moyenne comme moyenne ! » Implacable.

D'autant qu'en philosophie, il faut tout faire pour ne pas apparaître comme la discipline qui punit. En commission d'harmonisation – des réunions qui peuvent durer cinq heures et tourner à la foire d'empoigne –, les profs qui ne sont pas dans la moyenne sont invités à lire leur copie à voix haute devant une trentaine de personnes. Le coordinateur de la réunion et les collègues du « méchant » correcteur y vont de leurs arguments pour faire remonter la note : « Au moins, il a fait un plan ! », « Regardez, ce n'est pas si négatif, il y a au moins un nom d'auteur ! »… « On nous demande de valoriser le plus possible, nous explique Antoine. Qu'importe que la référence soit utilisée à mauvais escient dans une copie totalement hors sujet ! » On a déjà demandé à Antoine de « remonter [s]on paquet » (soit environ 130 copies) d'un point ou deux. L'enseignant a refusé. « C'est la moyenne du paquet qui les intéresse, on est dans une logique comptable ! Mais remonter mécaniquement d'un ou deux points, ça ne veut rien dire. » Certains profs un peu chevronnés mettent alors en place des stratégies : au lieu de tout remonter, ils ajoutent des points seulement aux meilleures copies.

Lire aussi  La note de philo : une loterie ?

Concernant l'orthographe, il s'agit encore une fois d'être le plus bienveillant possible. Y a-t-il une consigne nationale ? Le bureau des examens du ministère nous répond que « les barèmes ne sont pas communicables ». En tout cas, dans l'académie de Nancy-Metz, la consigne a été très clairement énoncée à Antoine et à ses collègues : « Interdiction de sanctionner l'orthographe ! » Certains le font tout de même implicitement si les fautes sont trop récurrentes, mais gare à celui qui écrira noir sur blanc : « Orthographe = - 2 ! »

Auparavant, il y avait un barème précis : on ôtait un point au bout de la 11e faute, 2 points à la 21e… Idem dans l'académie de Lyon, où Christine*, prof de français, déplore l'absence de barème depuis l'an dernier. « On ne rend pas service aux élèves en ne les sanctionnant pas, regrette Antoine. Ils ne seront pas épargnés dans le supérieur [où le taux d'échec est de 60 % dès la première année d'après le ministère, NDLR]. Comment vont-ils faire pour écrire une lettre de motivation ? On fabrique une génération d'élèves qui ne sauront pas se remettre en question. »

De plus en plus de candidats contestent les notes et demandent à être réévalués.

De manière générale, il est conseillé aux correcteurs de laisser le moins de traces écrites possible. « N'écrivez en haut de la copie que la note et l'appréciation générale, tout le reste pourra être retenu contre vous ! » C'est le message que font passer certains inspecteurs à leurs ouailles. Pierre, notre prof de français rebelle, avait eu le malheur d'inscrire dans la marge l'adjectif « léger » pour décrire un paragraphe sans contenu, il a alors appris de la bouche de l'IPR que cette remarque était « irrespectueuse »… En pratique, de plus en plus de profs prennent l'habitude d'écrire leurs appréciations sur une feuille de brouillon qu'ils gardent pour eux.

Et pourquoi donc tant de précautions ? Par crainte de la contestation, nous dit-on. Bien que le jury soit souverain, un élève mécontent peut consulter sa copie ou le bordereau d'oral et se plaindre* s'il juge sa note trop sévère. « On nous a clairement dit qu'il fallait justifier avec beaucoup de finesse nos notes, car de plus en plus de candidats les contestent et demandent à être réévalués, explique Christine. Il y a même eu un cas l'an dernier où l'on a fait repasser l'oral en catimini à un élève ! »

Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Dans son académie, à Lyon, cette année, elle vient de découvrir avec effroi que l'harmonisation devrait également se faire pour l'épreuve orale. « C'est une grande première ! Tout élève ayant un écart de 8 points ou plus entre l'écrit et l'oral bénéficie d'une réévaluation de son oral. Mais comment peut-on harmoniser une note avec un collègue qui n'a pas assisté à l'oral ? se désespère Christine. On m'a répondu qu'une mauvaise note à l'oral pouvait être due au stress… En fait, il s'agit d'augmenter l'oral au regard de la note de l'écrit. »

La prof de français s'est juré de ne gonfler aucune note à l'oral. Mais elle avoue qu'à l'écrit, de temps en temps, elle cède un point ou deux. « Vous arrivez après dix jours de correction, vous êtes crevés, vous avez vu de belles choses et d'autres pitoyables… Vous êtes sous le feu des critiques, montré du doigt par les collègues, vous finissez par vous demander si vous n'êtes pas une vraie peau de vache… Alors, à un moment donné, on finit par les lâcher, les points, on a envie de rentrer chez soi. »


* Prénoms modifiés

** Éditions du Rocher

*** Contacté par Le Point, le ministère réfute la possibilité de faire une réclamation. Il nous répond qu'en vertu du « principe de la souveraineté du jury », « le recteur d'académie et les chefs de centres doivent, en conséquence, opposer une fin de non-recevoir à toute contestation contre les décisions de jury et rappeler que lorsque celui-ci s'est prononcé, l'administration, à quelque échelon que ce soit, ne peut en modifier les décisions, sauf s'il s'agit d'une erreur matérielle (erreur de report de note) ou d'une irrégularité (non-respect du temps de passage d'une épreuve orale). »

À ne pas manquer

  • Bac 2018 : comment sont corrigées les copies ?

  • Bac : c'est parti pour 750 000 candidats

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.
Je consulte la charte de modération Je contacte les services de modération

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (73)

  • TOUBIB3858

    D'autre l'on dit avant moi, c'est simple pour avoir le bac, il suffit de se présenter...
    Les seuls bac qui ont une certaine valeur, c'est les mentions bien et très bien, objectifs fixés à mes petits enfants.

  • Viviane M

    D'ailleurs, on ne cherche même plus à faire des sujets qui vérifient des acquis. La moitié du devoir est infaisable, pas de problème corrigera les note en rajoutant 10 points à chacun.
    C'est Sarkozy qui a mis cela au point... Et cela arrangeait la comme de la technostructure de l'éducation nationale.

  • Timéo Danaos

    "La mauvaise monnaie chasse toujours la bonne"
    Merci M. Jospin !

L'info en continu

Toute l'info en continu
Abonnement Le Point

La sélection de la rédaction

Eddy Fougier : « La France n’est pas foutue »

Macron et le risque de la main tendue… dans le vide

« Il n’y a pas du tout d’explosion du nombre des cancers de l’enfant ! »

Les plus lus

  1. Sondage : le RN en tête devant le « Nouveau Front populaire », Renaissance derrière

  2. Front populaire : l’insoutenable légèreté de François Hollande

  3. « A Sign in Space » : le premier message intelligent reçu de l’espace décodé

  4. En Ukraine, l’idée de négociations de paix fait son chemin

  5. Les Républicains : Éric Ciotti peut dire adieu… à sa carte bancaire du parti

  6. Législatives : l’Insoumis Adrien Quatennens sera bien candidat, mais pas avec le « Nouveau Front populaire »

Nos Hors-Séries

  • Hors Série Le Point du Mardi 4 juin 2024
  • Hors Série Le Point du Mardi 4 juin 2024

    Mardi 4 juin 2024

  • Hors Série Le Point du Mardi 4 juin 2024
Voir les hors-séries

Le classement des hôpitaux

Illustration Classement des hôpitaux
  • EXCLUSIF. Les tableaux d’honneur 2021 des hôpitaux et cliniques

  • Palmarès des hôpitaux : un professeur de médecine dénonce la censure

Trouver le meilleur hôpital

4617作文网淀粉肠小王子日销售额涨超10倍罗斯否认插足凯特王妃婚姻让美丽中国“从细节出发”清明节放假3天调休1天男子给前妻转账 现任妻子起诉要回网友建议重庆地铁不准乘客携带菜筐月嫂回应掌掴婴儿是在赶虫子重庆警方辟谣“男子杀人焚尸”国产伟哥去年销售近13亿新的一天从800个哈欠开始男孩疑遭霸凌 家长讨说法被踢出群高中生被打伤下体休学 邯郸通报男子持台球杆殴打2名女店员被抓19岁小伙救下5人后溺亡 多方发声单亲妈妈陷入热恋 14岁儿子报警两大学生合买彩票中奖一人不认账德国打算提及普京时仅用姓名山西省委原副书记商黎光被逮捕武汉大学樱花即将进入盛花期今日春分张家界的山上“长”满了韩国人?特朗普谈“凯特王妃P图照”王树国3次鞠躬告别西交大师生白宫:哈马斯三号人物被杀代拍被何赛飞拿着魔杖追着打315晚会后胖东来又人满为患了房客欠租失踪 房东直发愁倪萍分享减重40斤方法“重生之我在北大当嫡校长”槽头肉企业被曝光前生意红火手机成瘾是影响睡眠质量重要因素考生莫言也上北大硕士复试名单了妈妈回应孩子在校撞护栏坠楼网友洛杉矶偶遇贾玲呼北高速交通事故已致14人死亡西双版纳热带植物园回应蜉蝣大爆发男孩8年未见母亲被告知被遗忘张立群任西安交通大学校长恒大被罚41.75亿到底怎么缴沈阳一轿车冲入人行道致3死2伤奥运男篮美国塞尔维亚同组周杰伦一审败诉网易国标起草人:淀粉肠是低配版火腿肠外国人感慨凌晨的中国很安全男子被流浪猫绊倒 投喂者赔24万杨倩无缘巴黎奥运男子被猫抓伤后确诊“猫抓病”春分“立蛋”成功率更高?记者:伊万改变了国足氛围奥巴马现身唐宁街 黑色着装引猜测

4617作文网 XML地图 TXT地图 虚拟主机 SEO 网站制作 网站优化