Par Amélie Mougey
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Loix et Saint-Clément-des-Baleines Produit typique de l'île de Ré, les savons au lait d'ânesse sont au cœur d'une concurrence exacerbée entre deux commerçants

Précieux lait d'ânesse. Subtil ingrédient des bains de Cléopâtre et de Marie-Antoinette. Produit phare de l'île de Ré. Et nerf de la guerre pour les savonniers. Sur l'île, deux vendeurs se revendiquent fabricants : la Savonnerie de l'île de Ré, installée au phare des Baleines en 2004, et la Savonnerie de Ré qui fonctionne depuis 2008 à Loix. De procès en suspicions, toutes deux se livrent un combat acharné.

Savonnerie de Ré contre Savonnerie de l'île de Ré : la guerre des savons débute par la celle des noms. En 2009, les concurrents se retrouvent au tribunal pour défendre leur blason. « Le juge nous a renvoyés dos à dos », se souvient, amer, Arnaud Landry, patron de l'usine de Loix. Après cette bataille sans vainqueur ni armistice, le conflit se déplace autour du label « made in Ré ». Car, au-delà de ses vertus, sur l'île c'est surtout l'aspect local et artisanal du produit qui séduit.

« Un amuse touristes »

« Qu'on soit fabriquant ou vendeur, on a le droit de s'appeler savonnerie », déplore Arnaud Landry, qui tient à faire visiter son usine aux clients. Dans sa boutique du phare des Baleines, la famille Saint-Lo entend elle aussi donner des gages de fabrication artisanale. Derrière sa petite machine et devant les curieux, Frédéric Saint-Lo fabrique des cœurs en savon avec les initiales des clients. « Un amuse touristes qui n'alimente certainement pas trois boutiques », entend-t-on du côté de Loix. « L'essentiel de nos savons est produit hors saison », rétorque-t-on au pied du phare. Machine de trois mètres de haut, moule à air comprimé : dans le quartier artisanal de Loix, l'outillage est plus sophistiqué.

Christine Saint-Lo y voit le fruit de grosses ambitions : « Ce sont des industriels qui inondent le marché. Nous, on veut rester une petite entreprise familiale ». Pourtant, après sa première boutique, la Savonnerie de l'île de Ré en a ouvert deux autres, à Saint-Martin puis au Bois-Plage : « Une stratégie de survie », avance le patron accusant son adversaire d'être arrivé sur le marché tel un « rouleau compresseur ». L'un dit produire deux tonnes de savons par an, l'autre 18. « Avec cette quantité on reste des artisans », répond Arnaud Landry, dont l'usine n'a que deux employées.

Pas toujours du lait de Ré

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Dernier sujet de tension : l'origine du lait. Régis Léau, seul éleveur d'ânes de l'île, fournit l'usine de Loix. « Une tête d'âne sur le savon : le lait provient de chez moi » précise-t-il. À la Savonnerie de l'île de Ré ce coup de tampon n'apparaît pas : « On travaille avec des asineries du continent car sur l'île, la quantité de lait est trop faible », reconnaît Christine Saint-Lo avant de glisser « même pour Loix ». Une dernière suspicion que l'éleveur vient balayer, « avec mes vingt ânesses, j'ai plus de lait qu'il n'en faut ». À croire que chez les savonniers, un seul point fait l'unanimité : « on a dépassé la saine concurrence et ça devient usant ».